Trait sur la tolrance - French Edition Author:Voltaire La fureur qu'inspirent l'esprit dogmatique et l'abus de la religion chrétienne mal entendue, a répandu autant de sang, a produit autant de désastres en Allemagne, en Angleterre, et même en Hollande, qu'en France: cependant aujourd'hui la différence des religions ne cause aucun trouble dans ces états; le juif, le catholique, le grec, le luthérien... more », le calviniste, l'anabaptiste, le Socinien, le Mennoniste, le Morave et tant d'autres, vivent en frères dans ces Contrées, et contribuent également au bien de la société. Il ne faut pas un grand art, une éloquence bien recherchée, pour prouver que des chrétiens doivent se tolérer les uns les autres. Je vais plus loin; je vous dis qu'il faut regarder tous les hommes comme nos frères. Quoi! Mon frère le Turc ? Mon frère le chinois ? Le juif ? Le siamois ? Oui, sans doute; ne sommes-nous pas tous enfants du même père, et créatures du même Dieu ? Mais ces peuples nous méprisent; mais ils nous traitent d'idolâtres! Eh bien! Je leur dirai qu'ils ont grand tort. Il me semble que je pourrais étonner au moins l'orgueilleuse opiniâtreté d'un iman, ou d'un talapoin, si je leur parlais à peu près ainsi. Ce petit globe, qui n'est qu'un point, roule dans l'espace, ainsi que tant d'autres globes; nous sommes perdus dans cette immensité. L'homme, haut d'environ cinq pieds, est assurément peu de chose dans la création. Un de ces êtres imperceptibles dit à quelques-uns de ses voisins, dans l'Arabie, ou dans la Cafrerie; «Ecoutez-moi; car le Dieu de tous ces mondes m'a éclairé: il y a neuf cents millions de petites fourmis comme nous sur la terre; mais il n'y a que ma fourmilière qui soit chère à Dieu, toutes les autres lui sont en horreur de toute éternité; elle sera seule heureuse, et toutes les autres seront éternellement infortunées. Ils m'arrêteraient alors, et me demanderaient, quel est le fou qui a dit cette sottise ? Je serais obligé de leur répondre: c'est vous-mêmes. Je tâcherais ensuite de les adoucir, mais cela serait bien difficile. signé: Voltaire« less